Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Qui est Charlie ?
18 janvier 2015

Duhamel vs Zemmour

 

Ce que j'apprécie chez M. Finkielkraut, c'est sa manière de poser les problèmes sans attendre la décantation des émotions. Attendre, n'est-ce pas prendre le risque que tout se fige en figures imposées du discours ? C'est tout l'art de Finkielkraut que de créer les conditions d'une recherche de l'être au-delà de notre puissance - impuissance - à dire les choses.

J'en tiens pour preuve le débat qu'il provoqua la semaine dernière (à ses riques et périls au pays de la Liberté)  entre messieurs Zemmour et Duhamel autour de l'identité française, hier et aujourd'hui. Je fais semblant au passage d'être surpris de ce qu'une certaine critique a pu en dire (1), qui semble exclusivement reposer sur la visibilité médiatique des intéressés. Si l'auteur leur concède des points de vue différents, leur présence dans les média suffit pour recouvrir leurs propos d'un soupçon général de "pareil au même". Tout cela me ferait sourire s'il ne s'agissait d'une pratique répandue de nos jours, consistant à évaluer les idées en fonction de leur rareté. Non seulement l'exercice respecte ici une stricte division du travail - une critique introspective des média sans plus - mais celle-ci reste bien au chaud et évite soigneusement de se coltiner l'Histoire. Une posture qui a au fond beaucoup à voir avec celle de la manifestation de dimanche dernier (déjà...) décrétée "historique", sans qu'on sache trop si cette qualité viendrait du record prévu d'affluence ou de la venue de responsables politiques étrangers, dont la présence faisait pourtant rentrer par la fenêtre le tragique des antagonismes israëlo-arabes ou russo-européens. 

C'est bien avec cette Histoire-là que les trois comparses avaient rendez-vous ce samedi-là. Alain Duhamel fut le plus tempérant. Il parla timidement de la grande Transformation numérique, soit non seulement technique, économique, sociale, mais aussi anthropologique,  et de ses répercussions sur un peuple français déboussolé par le sentiment d'abandon du père-patrie ; son si cher père qui, à en croire Duhamel et Zemmour, avait su instaurer avec lui un lien si particulier, mélange de protection et d'autorité. Ce père-là, on ne sait pas trop ce que Zemmour en attend encore. A l'entendre, rien n'est de sa faute ; il aurait été placé en maison de retraite par certains de ses rejetons (les "élites") qui le disaient gaga. Mélancolique, il a l'air d'hésiter, lui le bon fils, entre la fatalité - tout a une fin - et l'Eternel Retour - il finira bien par nous revenir en pleine forme. Face à lui, Duhamel et, plus surprenant pour ceux qui n'ont jamais lu ses essais littéraires, Finkielkraut, invoquèrent une figure plus maternelle de la France et l'évocation fugace du "patriotisme de la compassion" défendu par Simone Weil (2) fut comme une trouée dans ce ciel confus, où les mots-éclairs en "-tion" (immigration, éducation) semblaient claquer au hasard. 

Il faudra être patient pour se faire une Raison.

 

Olivier LE DUFF 

 

(1) Martin Coutellier, Observatoire des média ACRIMED, Pendant ce temps-là chez Finkielkraut..., 17 janvier 2015.

(2) Simone Weil, 1943, L'Enracinement : Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, 2013, 480 p

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Qui est Charlie ?
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 2 242
Publicité