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Qui est Charlie ?
26 janvier 2015

Le monde avant la Grèce

Je m'apprêtais à écrire une chronique du style "La Grèce avant le Doubs" ; comme si les élections en Grèce d'hier et la législative partielle dans le Doubs dimanche prochain (1) avaient un quelconque rapport avec les "Charlie" et les "anti" (je suis sûr que certains ont déjà oublié).

Un rapport évident, donc factice, me semble bel et bien exister, au moins dans le premier cas : l'Europe-marché reste le décor de leurs débats. Ainsi les uns comme les autres n'ont-ils pas tardé, après l'évènement, à se poster de part et d'autre de la grande scène médiatique pour poursuivre le drame des "pro" et des "anti-" UE, à grands coups d'"immigration" et de "Schengen". Le texte est tellement connu que même toi, spectateur impuissant, tu le murmures comme s'il s'agiisait de la première fable apprise.

Il m'arrive,à moi aussi, de tomber encore dans le panneau.

Il existe pourtant un autre lien, découvert l'autre jour, en lisant Frédéric Lordon (2) : c'est, pour citer Debord, la "domination du faux sans répliques" (3). Son dernier article suffit en effet à dissoudre quelques illusions sur le potentiel perturbateur du soi-disant parti d'extrême-gauche "Syriza". Pour faire court cette élection pourrait très bien accoucher d'une souris ; l'Etat européen et les marchés y veilleraient d'ailleurs depuis belle lurette. Nos "extrémistes" en chambre qui, pour le coup, regroupent une partie des "Charlie" et des "anti", peuvent bien faire des moulinets : la révolte est mort-née. Les grecs eux-mêmes, prêts à porter les gauchistes au pouvoir, resteraient majoritairement attachés à l'euro. Il ne s'agirait pas, par-dessus le marché, d'abandonner la proie de l'économie surabondante et de son gavage pour l'ombre d'on se quelle reprise en main de leur existence par les individus.  

 Je me suis donc détourné et j'ai regardé ailleurs, traçant une droite entre quelques nouvelles du monde :

  •  dans Le Monde daté du 22 janvier, le témoignage (4)  de Mohamedou Ould Slahi, détenu depuis treize ans à Guantanamo. Sans inculpation. Sans procès. Ils restent 122 à ce jour. Les extraits qu'en rapporte le quotidien feraient froid dans le dos si l'on se faisait encore la moindre illusion (encore une) sur les scrupules de nos Leviathan modernes dans la guerre civile mondiale à laquelle ils se livrent. Ironie de la pagination, deux pages plus loin, il est question du prochain discours du président américain sur l'état de l'Union : "Obama plaide pour une Amérique plus juste". Il devrait y parler de Guantanamo, qu'il "s'efforce de fermer depuis son arrivée, contre l'avis de ses adversaires politiques". Revers de la puissance quand l'ombre est plus forte que la proie. 

          Ce n'est pas qu'un détail ; cela nous regarde même de près :

  • The daily beast (journal new yorkais) du 13 janvier - Un titre : des "banlieues divisées". Un témoignage, sous couvert d'anonymat, d'un gars croisant dans un bar du dix-neuvième. Tout ça serait la faute des américains, "qui veulent prendre l'argent de tout le monde". Evidemment c'est faux. Mais c'est cru.
  • Les derniers mots pour Olivier Roy, qu'on entend trop peu et toujours après ce genre de drame. Il nous parle (5) de Coulibaly et des frères Kouachy. Il faudra un de ces quatre s'intéresser à la vie de ces criminels, enterrés en catimini. Juste pour les regarder en face. Nous regarder aussi par la même occasion. Le politologue démine quelques certitudes des "pro" comme des "anti".Le "retour du religieux" ? du communautarisme ? "le salafisme [...] rejette toutes les cultures à commencer par la culture musulmane et sa propre histoire". Une radicalisation due à l'exclusion sociale ou au conflit israëlo-palestinien ? "une collection d'individus, de solitaires, qui se resocialisent dans la cadre d'une petite bande ou d'un groupe qui se vit comme l'avant-garde d'une communauté musulmane [...] relevant de l'imaginaire".  

Déculturés et sans histoire. Sont-ils vraiment si éloignés de nous ?

 

(1) pour remplacer le désorùais commissaire européen Moscovici.

(2) Frédéric Lordon, L’alternative de Syriza : passer sous la table ou la renverser, http://blog.mondediplo.net/-La-pompe-a-phynance-, lundi 19 janvier 2015 

(3) Commentaires sur la société du spectacle, éditions Gérard Lebovici, 1988 ; Gallimard, 1992.

(4) Les carnets de Guantanamo, Michel Lafon, 448 p.

(5) Un islam sans racines ni cultures, Le un du 21 janvier 2015.

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