Mon oeil

- Oui, cet oeil-limite du fini et de l'infini, traversé par l'infini des particules lumineuses ; barré par sa propre limite angulaire, soumis à ses examens sans limite. Car, même sans voir, il voit. Et bien sûr, je l'avais vue moult fois dans mon cerveau - il ne s'agissait pas de rêves ; je ne dormais pas - blanche et nue, avec sa poitrine charnue, ses cuisses, ses fesses.... - Ses fesses ? - Oui...et alors ? Là n'est pas l'essentiel. - C'est quoi, l'essentiel ? - C'est la focalisation sur la chair. D'autres filles, avant elle, m'avaient certes émue, mais celle-là me laissait l'étudier dans les moindres détails - je devenais voyeur extralucide - ce qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille ; autant que l'étrange connivence de nos parents, qui semblaient préférer accompagner notre élan du cœur que d'en découvrir sur le tard l'inexorable progression. - C'est tout ? Tu m'as fait attendre pour si peu ? - Tu es une Garce, Sagesse ! J'aurais pu apprendre bien plus de ce premier amour qu'avec les livres de tous tes parangons, si seulement j'avais su garder un peu de recul. Comment croire un seul instant que le bonheur puisse reposer sur une chose aussi futile que le cœur, même intelligent. L'intelligence d'ailleurs, ça ne dure jamais bien longtemps. "Rendez votre cœur attentif à vos chemins".